Depuis l’enfance, ma sensibilité s’est enveloppée d’humour et d’ironie pour résister aux pressions diverses et les détourner. L’art est devenu un moyen de créer de nouvelles pistes à emprunter afin de rompre avec les voies tracées, les standards, les clichés et les formats de la société, qui nous collent à la peau et nous façonnent, parfois en contradiction avec notre propre nature. Cette pensée a forgé mon engagement ainsi que mon regard sur notre humanité dans le champs sociétal et environnemental en particulier. Mes questions s’articulent au travers d’allers et retours entre profondeur et surface, nature et culture, être et paraître.
Dès mes premiers travaux, mon rapport à l’art s’est fondé sur une certaine éthique. Les processus de production, la nature des matériaux mis en œuvre, l’engagement physique, témoignent d’une économie de moyen et d’une autonomie de production. Mon corps tient donc une place prépondérante dans mes créations. Je l’utilise comme outil, matrice ou comme support de mes œuvres. La peau est mon interface tangible et sensible avec mon environnement. Non sans ironie, je joue donc avec les corps et les enveloppes corporelles. Je les reproduis et les déchire, je les transforme et les revêts. Je standardise mon corps, j’en modifie l’apparence et je le démultiplie pour dépasser cette notion de surface et questionner l’essence de l’être.
Je joue de la même manière avec la « surface du monde ». Je recréé et déplace des territoires goudronnés, normés, marqués des signalétiques qui organisent nos déplacements, nos places et nos fonctions. Ces reproductions, transposées et parfois reconfigurées, recouvrent de nouveaux espaces et produisent de nouvelles interactions avec les contextes qui participent à changer leur fonction initiale. Ils deviennent alors peintures, installations, dispositifs de performance. Ainsi, par ces « glissements de terrain », je cherche ce qui relie les hommes entre eux au travers des apparences et des différences. Ce qui, de façon sensible, nous relie aussi à l’univers et qui nous en éloigne.
Mon travail se déploie principalement dans le domaine de la sculpture, mais également dans des installations, des photographies, des performances et plus récemment dans des propositions picturales. Cette pluridisciplinarité me permet une liberté de langage. Chaque projet est une expérimentation de formes nouvelles qui viennent étayer ma recherche. Mes œuvres se déclinent en strates dont la cohérence se fonde sur une série de gestes qui allient « traitement de surface » (emballage, submersion, recouvrement, encapsulage) et « traitement de fond» (détournement, transformation, assemblage, recyclage, déguisement).
J’utilise essentiellement des matériaux pauvres et connotés tels que le sacs poubelle, les jouets, les objets utilitaires et symboliques, issus de l’industrie pétrochimique. Le plastique est le matériau de l’imitation et de l’artifice. Il est l’expression de la transformation et du jetable. Il attire et séduit par sa surface lisse, brillante et ses couleurs vives. Pourtant, il est produit à partir de matières organiques décomposées dans les profondeurs de la terre, pendant des millions d’années. Il représente donc à mes yeux la métaphore de ce qu’il y a de plus proche et de plus éloigné de nous et en nous. J’exploite ainsi les qualités intrinsèques du plastique pour questionner notre rapport au monde, aux codes, aux systèmes de valeur.
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