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allons voir ! 5ème édition

Parcours d'art contemporain en Pays-Fort

allons voir ! 5ème édition

01 juillet → 17 septembre 2023

Grange Pyramidale de Vailly sur Sauldre et 5 autres sites (Assigny, Barlieu, Concressault, Le Noyer, Thou, Villegenon) route de Concressault 18260 Vailly sur Sauldre

organisé par

professionnels participants

entrée libre sur tous les sites

10h00 - 18h00 sur tous les sites

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allons voir ! 5ème édition
allons voir ! se développe sur plusieurs communes du Pays-Fort (nord du Cher). Ce projet vise à valoriser le monde rural par un dialogue entre des artistes et des sites représentatifs de la vie de nos campagnes (granges, lavoirs, silos…). Commissariat: Y. Sabourin. Avec : E. Beaucousin, B. Debombourg, L. Esquerré, X. Guo, F Lecesve, D. Marin, F. Petit, M. Schildge.

Unités rurales et artistiques

Allons, au Pays-Fort, voir et goûter à ce territoire rural et culturel bien ancré entre la Faïence de Gien et le Sillon Ligérien au Nord, les vignobles du Sancerrois et de Ménetou Salon au Sud, puis la giboyeuse Sologne en remontant vers l’Ouest. Tout au long des siècles, l’esprit inventif berrichon s’est développé dans tous les domaines autour de l’imaginaire de Mère Nature, en botanique, agriculture, gastronomie, esthétique sans omettre le bâti qui fréquemment se révèle exceptionnel. Pour « Unités rurales et artistiques », c’est l’architecture rurale qui est placée au premier plan à travers une sélection de bâtiments souvent dans des lieux-dits ordonnés de granges, d’étables, quelques fois de moulins à eau afin de moudre les grains et, de lavoirs pour les villages. À toutes ces constructions, il faut ajouter un autre style de bâtisse qui existe encore aujourd’hui au Pays-Fort : la grange pyramidale, inspirée d’anciennes bâtisses du Nord de l’Europe et issues, selon certaines sources, des cultures wisigothes et vikings (du Vème au XIème siècles). Cette impressionnante architecture à la vertigineuse toiture recouverte de tuiles en terre cuite et dont les pentes rappellent étrangement les pyramides égyptiennes est coiffée d’un faîtage court ou long. Quant à son ingénieuse charpente, elle se compose d’un jeu savant de troncs d’arbres taillés et rabotés, devenus piliers, poutres, pannes, chevrons et voligeages permettant d’élever, et de soutenir son immense toiture ; et faisant ainsi presque oublier la présence de ses murs extérieurs, ou celle de ses rares cloisons intérieures en colombages et torchis ; bref, une maçonnerie en totale harmonie avec la Nature pour y conserver le fruit des travaux des champs.

A côté de ces corps de fermes composés de granges, pyramidales ou simples, d’étables, de moulins à eau et lavoirs conçus savamment dans des proportions à la fois fonctionnelles, humaines et esthétiques participent aussi à ce patrimoine rural encore présent dans le Berry. Et l’on se sur-prend à penser à la noblesse des lavandières d’antan, agenouillées dans leurs carrosses, le battoir à la main, et jouant avec l’eau aux reflets poétiques et féériques de leur lavoir.
À la vue de ces constructions habitées d’esprits encore présents, j’ai choisi d’axer mon projet dans un dialogue entre d’un côté, cette architecture à l’ingéniosité humaine et, de l’autre, des artistes aux expressions toutes singulières, usant de matériaux des plus traditionnels aux plus modernes, et aux gestes les plus excentriques.

Au lieu-dit Moulin Riche, complexe daté du 17ème siècle, dans une grange simple avec une belle hauteur, Frédérique Petit propose de dresser une galerie de portraits composée de Potplats, dont la conception hypothétique par le jeu de la mise en abîme d’un récipient en terre cuite, brisé, se mue en sculptures à la silhouette d’une cruche à lait ou à vin. Pour ce faire, elle raccommode et recoud des bris de terre vernissée à l’aide d’un fil de métal puis les redresse, les hisse entres les piliers, les poutres et les soupentes et leur offre une nouvelle fonction, leur modèle une autre vie. Juste à côté, dans l’étable au plafond assez bas, David Marin érige une tenture brodée dans une lumière traversante, telle une apparition entre terre battue et solive. L’oeuvre se compose d’un maillage en grillage industriel sur lequel l’artiste brode « à l’arrache » et avec sophistication, à l’aide d’un fil noir rehaussé de rais de fil d’or, pour raconter une scène où les humains et la nature, plongés dans une écriture sombre, s’interrogent sur une vie en harmonie avec le paysage, entre verticalité et horizontalité. Une arrivée dans un nouvel ailleurs aux éclats d’or !

Au lavoir de la Mère Dieu, toujours dans la commune de Concressault, Élise Beaucousin, réussit à dessiner dans une expérimentation improbable sur un mur extérieur ourlé d’herbes et un autre, intérieur, longeant le bassin carré, des floraisons de détails de linge flottant au vent et de plis
qui surgissent et qui s’estompent au gré des luminosités du jour : fraîche à potron minet et lyrique à vesprée. Son dessin est tout aussi impalpable que réel puisqu’il est tracé à l’aide d’un simple outil de couturière : l’épingle à tête, étêtée avant d’être piquée sur les murs. Non loin à l’Est, dans le lavoir de Barlieu, Martine Schildge propose une immersion dans l’univers des lavandières et dépose au sol, le long du mur, des portraits photographiques captés dans le lavoir et imprimés sur de l’acier brossé générant un rendu velours. Ensuite, elle laisse glisser et ondoyer dans l’eau miroitante ses lés d’aluminium aux motifs de reflets ciselés et martelés qui se réfléchissent à leur tour dans les échos naturels de l’eau attrapés par le soleil. À la brasserie Press’Bitter de Dampierre-en-Crot, Xiaohan Guo et Florian Lecesve – deux élèves sélectionnés de l’Ensa Bourges – qui utilisent entre autres la terre comme médium, intègrent le projet où le geste et le faire font corps. Au Sud, le lavoir de Thou, construit en 1952 à la périphérie du village à côté d’une source, présente une silhouette architecturale inspirée d’une conception industrielle avec des murs en parpaings et des verrières d’atelier avec à l’intérieur un bac en ciment à hauteur d’homme permettant de cette façon aux lavandières de se tenir debout et non plus à genoux. Dans cet espace fermé et très concentré, Baptiste Debombourg rend hommage à ces femmes qui s’occupaient entre autres de la lessive et, suspend au-dessus du bac à l’aide de cintres un tee-shirt et un pantalon sculptés et modelés avec du miroir brisé. Il crée ainsi un échange sculptural entre le bac sans eau, habitée par Mère Nature qui y dessine des ondes de ronces et de lierre et, les simples vêtements de tous les jours métamorphosés en habits de reflets et de miroitements. En faisant un crochet à l’Ouest, le lavoir de Villegenon construit solidement tout en longueur permet à l’eau de s’écouler lentement et ainsi de chanter et résonner. Il inspire alors à Laurent Esquerré une sculpture : une main puissante, charnelle et baroque, modelée en feuilles d’aluminium, émet également un son poétique tout en battant l’eau du lavoir. Un peu plus à l’Est, à Assigny, Laurent Esquerré intervient de nouveau dans l’un des joyaux de l’architecture du Pays-Fort, la grange pyramidale du Joliveau, datant de 1505. Après avoir laissé se refermer la très impressionnante et présente porte, il ressent la nécessité de jouer avec la charpente toute en élévation, dans ce majestueux espace. Il y fait dialoguer une sculpture modelée, là encore, de feuilles d’aluminium et d’ornements en céramique, une allégorie végétale et humaine qui prend son envol, une montée dans l’infini.

Enfin, en rejoignant Vailly-sur-Sauldre, Frédérique Petit dépose aux pieds de la grange pyramidale, datée entre les 15ème et 16ème siècles, deux de ses Grandes Huttes, construites en 2023, architecture de fer à béton, habitée d’énormes boules de ciment, renforçant de nouveau ce dialogue proposé entre les différentes époques traversées, les bâtis historiques découverts et investis, les gestes ruraux évoqués et les expressions artistiques déployées entre terre, eau et ciel : là où le merveilleux se cultive et se transmet.

Yves Sabourin
commissaire

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