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Kin(d) Relations II

Exposition collective

26 octobre → 29 décembre 2024

Antre Peaux 24 – 26 route de la Chapelle 18000 Bourges

organisé par

Entrée gratuite

Ouvert du mercredi au dimanche de 14h à 18h

A l’occasion du premier chapitre de l’exposition Kin(d) Relations présenté en 2022 au Transpalette, nous avons pu discuter d’une dichotomie dépassée entre les notions occidentales de nature et de culture. Deux notions qui ne peuvent plus justifier une hiérarchie du vivant (dominé par les humain.es) et une manière d’envisager la nature comme une simple ressource mise à disposition des humain.es.

Artistes
Annelie Berner | Johanna Bruckner | Odonchimeg Davaadorj | Dorotea Dolinsek | Anaïs Dunn | Evor | Shivay La Multiple | Fleur Melbourn | Paula Nishijima | Sanjeeyann Paléatchy | Julie Vacher

Une proposition de Julie Crenn et Diane Pigeau
Dans le cadre de EMAP (European Media Art Platform), avec le soutien de Europe Creative. En partenariat avec le magazine culturel Mouvement.

Ce nouveau chapitre de Kin(d) Relations propose une exploration de pensées plurielles d’artistes qui pensent la question de l’(in)habitabilité de la terre.

Kin(d) Relations. Le titre de l’exposition articule la notion de kin (parenté) développée par Donna Haraway et la pensée de la Relation d’Édouard Glissant. La lettre “d” placée entre parenthèse formule d’autres notions : kind, en anglais, qui signe à la fois “bienveillant”, “gentil”, mais aussi “genre”, “type”, “espèces”. Kin(d) Relations est ainsi pensée comme un poly-écosystème où les corps humains et plus-qu’humains s’affectent mutuellement. Par l’expérience des œuvres, l’exposition manifeste les manières dont nous nous affectons toustes, les interdépendances, les rhizomes et la symbiotique de nos existences visibles et invisibles. Kin(d) Relations manifeste une culture de l’attention, où les humain.es ne sont pensé.es ni au centre ni au sommet d’un système. Ielles agissent au sein de leurs habitats au même titre que toutes les autres espèces et entités. Il ne s’agit pas de parler de cohabitation, mais de coexistence d’une communauté terrestre animée par des réalités multiples. 

Habiter la terre c’est peut être d’abord habiter, en tant qu’humain.es, notre propre écosystème quotidien, notre appartement, notre maison, notre tente, notre cabane. Fleur Melbourn transfère un espace intime filmique dans le centre d’art pour sonder les enjeux de pouvoirs qui existent dans nos intérieurs. Des enjeux qui engendre des valeurs morales, des normes et des diktats qui assignent et régissent nos corps. L’installation de Johanna Bruckner propose une exploration des moments de désir entre les êtres humains et les êtres plus-qu’humains par l’intermédiaire de l’intelligence artificielle. 

Habiter la terre implique une contamination due à nos présences actives. C’est ce dont les œuvres d’Anaïs Dunn et de Julie Vacher témoignent, pour la première la contamination chimique des eaux, pour la seconde la formation d’un continent d’algues vertes dû à l’élevage porcin intensif en Bretagne. C’est aussi du côté de l’agriculture que Jumana Manna enquête à propos d’une pensée coloniale de la terre et de la graine. Entre la Palestine, le Liban et la Syrie, l’artiste témoigne de la captation du vivant à des fins coloniales et néo-libérales. Annelie Berner collecte des fragments de végétation commune (des mousses, des petites fleurs, des herbes ou des fougères) pour analyser à travers eux les conséquences du changement climatique. 

Habiter la terre c’est aussi agir dans son lieu comme Evor, qui, depuis 2006, végétalise quotidiennement un jardin situé dans une cour fermée entre des immeubles à Nantes. Il entretient un espace végétal destiné à la contemplation et à une tendre coexistence.  Nous rencontrons au fil de l’exposition un “jardin” d’un autre type avec l’œuvre de Paula Nishijima. L’artiste présente un module architectural technologique (Plug in habitat) permettant le développement d’un biotope vivant. Une idée que Dorotea Dolinšek va pousser vers la contrées spatiales. Par la Terre devient inhabitable, l’artiste étudie la faisabilité d’une capsule, contenant des éléments de la vie humaine et plus qu’humaine, destinée à une vie extra-atmosphérique. 

Au cœur des liens ou des relations bienveillantes se propage une dimension spirituelle par laquelle les artistes dialoguent d’une manière profonde avec le vivant, visible et invisible. Les photographies de Sanjeeyann Paleatchy présentent des gardien.nes kwir (queer réunionnais) qui habitent, protègent et défendent des ecosystèmes sacrés à La Réunion. Les dessins de papier, de fil, de peinture et de terre de Odonchimeg Davaadorj manifestent avec une grande poésie l’interdépendance qui régit le vivant dans son ensemble. Entre les rêves, l’espace numérique et les écosystèmes terrestres, Shivay La Multiple (un.e artiste méta être) nous connecte entre la terre et le ciel par l’intermédiaire magique d’une calebasse. 

Les œuvres génèrent des situations d’enlianages, de rencontres poreuses (entre les œuvres, mais aussi entre les visiteurs et les visiteuses), d’alliances symbiotiques, de parentés réelles et spéculatives. D’une bactérie à la croûte terrestre, en passant par les graines, les phéromones, les eaux, les cellules, les sonorités, les hormones ou encore les sources lumineuses, c’est l’ensemble du vivant qui est pensé et vécu comme une communauté plus-qu’humaine, empathique et désirante, pensée d’une manière écoféministe, intersectionnelle : queer, féministe, écologique et décoloniale. Une pensée collective et jubilatoire qui nous amène à repousser les limites imprimées qui cernent et contraignent nos imaginaires. C’est ainsi que le rapport aux nouvelles technologies et aux sciences devient le terreau de mondes infinis et multiples. En ce sens, l’entrelacement constant entre l’organique et le technologique génère des ouvertures joyeusement surprenantes au sein du réel humain. Il engendre des réalités nouvelles au sein desquelles il nous est permis d’expérimenter les dimensions invisibles et infinies de ce que Glissant nomme la totalité, cette immense communauté des vivant.es avec laquelle il nous faut apprendre à nous reconnecter.

Photo – ©Jean-Christophe-Lett

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