Mon travail plastique est influencé par le métier de guide nature que j’ai exercé pendant 8 ans au sein du Parc naturel régional du Marais poitevin. Pendant ces années à arpenter ce territoire, j’ai acquis une connaissance intime de sa faune, de sa flore, de ses espaces et de l’histoire du lieu. Zone protégée, Natura 2000, le marais est un lieu mélancolique où s’épanouissent les loutres et les rainettes. C’est aussi un lieu profondément marqué par l’activité humaine : de l’arrivée des plantes médicinales cultivées par les moines puis échappées dans nos bocages aux menaces les plus contemporaines que fait peser sur lui l’agriculture intensive.
Je tends, à travers ma pratique artistique, à proposer une réflexion sur les formes de connaissance de l’environnement. Les savoirs traditionnels botaniques et médicinaux, les techniques de pêche et de chasse sont encore transmis oralement des plus âgés au plus jeune guide au cours d’une initiation quotidienne faite d’une fréquentation assidue et de découvertes toujours inattendues.
Mais être guide, c’est aussi faire face à l’ampleur de la méconnaissance de son territoire par l’être humain qui ne porte que très peu d’attention à son lien avec le reste du monde. Il ne s’agit « pas de [faire de] reproches », mais de ressentir « une certaine tristesse à l’égard de cette cécité, de sa portée et de sa violence innocente. » selon le philosophe Baptiste Morizot.
Cependant, cette tristesse n’est pas une fatalité et l’art peut se poser comme un remède pour enrichir une sensibilité « émoussée » et jouer un rôle de réconciliation. C’est ce que propose l’historienne de l’art Estelle Zhong Mengual qui se demande « Qui mieux que l’art peut sédimenter en nous de nouvelles représentations, de nouveaux symboles, de nouveaux imaginaires du vivant, à même d’enrichir notre goût et notre disponibilité au monde vivant ? ». Mon travail cherche à ainsi initier des rapports nouveaux avec la nature : contemplatifs, poétiques et spirituels.
Je retrouve cela dans la figure mythique du trappeur. Décrite par Henry David Thoreau, elle désigne un certain sentiment d’appartenance à une nature qui peut se montrer inhospitalière. Elle se résume pas à la traque, mais à la considération des autres espèces à l’égal de nous, à la conscience que notre territoire est aussi le leur et que nous devons cohabiter en développant des techniques et des outils utiles à notre survie, avec les moyens du bord.
Je tente d’expérimenter ce que veut dire ce « bricolage» selon l’expression de Lévi-Strauss en travaillant sur des outils fonctionnels, mais seulement potentiels, traités dans le registre de l’imaginaire et du jeu. De ceci, émerge un rapport à une spiritualité immanente, faite de rituels et d’empreintes païennes.
Je produis des kits de survie, je fabrique des rames pour préparer l’être humain à la montée des eaux et je cultive un monde imaginaire où les insectes et les êtres humains vivent en harmonie. J’entrecroise des atmosphères inspirées de la science-fiction et des modes de vie préhistoriques ou disparus. À cela, j’ajoute mes connaissances de terrain sur le monde animal et végétal. Je travaille à partir de récits et j’imagine des scénographies et des installations. Mon travail peut être sculptural et/ou performatif. Je passe très souvent par des protocoles incluant la submersion, l’infusion, le séchage et la combustion et je peux réaliser des documents vidéo qui attestent de mes expérimentations. J’utilise des matériaux très différents : bois, métal, céramique. Je cherche à travailler dans le respect de l’environnement, en optant souvent pour le recyclage et la récupération.
Consciente de notre responsabilité vis-à-vis des générations futures et inquiète pour le monde végétal et animal, mes œuvres sont des tentatives pour tisser de nouvelles relations avec lui.
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