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Portrait · Rémi Boinot

Artiste-plasticien

Portrait · Rémi Boinot
Je me définis toujours comme un artiste probable, c’est-à-dire en probation, prétexte aux jeux de langage et d’images au cœur de ma pratique. J’ai l’amour de l’expérience, qui est selon moi le moteur essentiel de toutes mes formes, il faut toujours « faire l’expérience de l’expérience » aimait à dire François Tanguy créateur du théâtre du Radeau.

Quel est votre parcours ?

C’est à l’occasion de mes études de droit que j’ai vécu mes premières expériences artistiques dans un cinéma où je réalisais des performances, qu’on appelait alors happening. Et aussi de ma fréquentation des festivals de musique et d’art contemporain. C’est donc au gré des rencontres que je me suis formé avec et auprès des artistes. C’est comme cela que l’on rencontre des œuvres qui « ouvrent la tête ».

De la même façon, lorsque je suis arrivé à Blois, le seul moyen d’accès à l’art vivant le plus contemporain se faisait dans les lieux de la nouvelle psychiatrie, ce qui m’a beaucoup marqué et éclairé.

Ma formation artistique s’est également faite au cours des voyages, jusqu’à penser que l’agrément de mon travail auprès des griots de Ziguinchor au Sénégal ressemblait peu ou prou à un diplôme d’art.

Je considère qu’il convient d’échapper aux moules, et de ne pas se laisser entraîner dans le « faire bien, le sérieux et le c’est ça ».

Voilà maintenant 40 ans que je vis et travaille à Blois grâce à ma compagne, ma « mécène de ménage ». Très vite, j’ai trouvé un terrain de jeux par le biais de l’opéra et du théâtre en réalisant les scénographies, les costumes et les affiches.

Au fur à mesure des expositions, je suis confirmé comme « artiste plasticien ».

Est-ce que Blois, ou la Région Centre-Val de Loire, ont un impact sur votre travail ?

Je trouve formidable la proximité avec le fleuve et sa mise en scène perpétuelle. Blois est un endroit où l’on peut joliment ne rien faire, ce qui permet de surseoir à l’ambition.

Cependant, je travaille souvent ailleurs et ses lointains. Lorsque je suis sous d’autres latitudes, je visite mentalement mon atelier et connecte le reste du monde au bord de la Loire.

Vous faites partie de la première sélection de Documents d’Artistes Centre-Val de Loire : pouvez-vous m’en parler ?

C’est une relecture et une mise en perspective bienvenue de mon histoire qui me permet d’imaginer cette expérience de documentation comme une exposition rétrospective.

Ce travail me permet de revisiter le passé et mes œuvres afin de les redéfinir et de les confronter avec ma pratique actuelle comme une œuvre d’art. En effet, ce projet artistique pose les questions de la documentation d’un travail protéiforme : vidéo, son, dessin, peinture, sculpture, installation, écriture, performance, photographie…

À la suite d’une pratique plutôt picturale, j’ai intégré le médium vidéo vers 1995 en collaboration avec le réalisateur Philippe Gasnier, médium passionnant que j’utilise toujours et que je considère comme très proche de la peinture.

Nous n’avons pas besoin de pleurer sur les formes antérieures, elles seront toujours là. Pour preuve, la photographie n’a pas tué la peinture et les musiques électroniques n’ont pas tué le violon.

À l’occasion d’un projet d’édition, j’ai utilisé l’intelligence artificielle, ce qui ne m’a pas désappris le dessin ou toute autre expression qui m’est coutumière.

Vous avez le goût de la transmission et de l’échange, donnez vous des cours ?

Après avoir reçu de la transmission, des artistes m’attribuent souvent le titre de passeur.

D’ailleurs, je fais des workshops, des jurys, des lectures, en Malaisie en Inde à l’Ensba de Valence et à l’École des Beaux-Arts de Tours.

J’aime à dire depuis quarante ans qu’il n’y a pas d’âge pour faire une œuvre de jeunesse.

C’est comme lorsque je voyage, je ne viens pas avec ma science et je n’étudie jamais avant mon départ. Je ne fais pas d’ethno-anthropologie, ce n’est pas mon but. Cela implique une mise en branle radicale de la curiosité dans la confrontation avec le sujet et son contexte.

Je suis également attaché à la notion de libre-arbitre qui implique une forme de rébellion et de pensée à contre-courant.

Quelle est votre relation avec le réseau ?

J’ai participé à la construction du réseau. Il permet à des gens qui ont des perspectives proches de se rencontrer physiquement. Lors de la formidable première réunion à TALM Tours, il y a avait plus de 100 artistes et personnalités de la culture et il aura fallu plus de 3 h pour tous nous présenter.

Le réseau partage des informations utiles et un agenda des événements artistiques en région, outre le fait de nous rencontrer « présents sous le ciel ».