Un collectif de 450 artistes, compagnies et responsables de lieux culturels de la métropole lyonnaise dénonce le harcèlement subi par le duo Lundy Grandpré. Les signataires jugent l’élu LR Pierre Oliver “responsable [de ce] déferlement haineux”.
Nous, artistes, directrices et directeurs de lieux culturels et de compagnies, dénonçons fermement les événements qui ont conduit les jeunes artistes du duo Lundy Grandpré à annuler leurs représentations qui devaient avoir lieu le week-end dernier aux Subs de Lyon, sous l’effet de menaces et de messages de haine qu’ils ont massivement reçus.
Que cette situation grave puise son origine dans le tweet mensonger d’un élu de la République (élu du conseil régional, maire du 2e arrondissement de Lyon) est proprement scandaleux et inacceptable.
Par ses attaques publiques infondées, il a délibérément fait le choix de livrer à la vindicte populiste des personnes qui, quoi que l’on puisse librement penser de leur travail artistique, sont désormais attaquées et menacées dans leur intégrité morale et physique.
En détournant le montage vidéo d’une performance – dont il n’a pas pris la peine de vérifier le contexte ni l’identité des auteurs –, cet élu a porté une atteinte grave à leur image et au développement futur de leurs projets.
Nous considérons que cet élu est responsable du déferlement haineux dont ces artistes sont aujourd’hui la cible.
Nous ne pouvons pas accepter que les artistes, leurs productions fassent l’objet d’une telle instrumentalisation, à des fins de règlements de comptes politiques entre partis opposés.
Les artistes, leurs productions, ne peuvent pas être les otages de ces considérations politiciennes ni des intérêts personnels de tel ou tel élu, dont les artistes doivent au contraire pouvoir être totalement indépendants.
Au-delà de la situation particulière de Lundy Grandpré et du fort préjudice qu’ils subissent, nous dénonçons plus largement les idées véhiculées à travers cette attaque politisée dont ils sont victimes.
Non, l’art n’appartient à aucun parti.
Non, être subventionné par une collectivité, quelle qu’elle soit, ne fait pas des artistes ou de la structure subventionnée l’outil officiel d’une propagande idéologique, comme le laissent entendre abusivement dans les médias cet élu et d’autres qui se tiennent à ses côtés.
Non, la subvention n’est pas censée signifier qu’une collectivité associe son image à celle de l’artiste, ni qu’elle soutient particulièrement son propos. Car la subvention publique n’est pas du sponsoring. Elle sert l’intérêt général et vient soutenir la diversité des expressions et des esthétiques.
Réciproquement, les œuvres produites par les artistes ne sont pas censées servir les idées de leurs financeurs publics.
L’art est libre. Son expression et ses recherches formelles sont la propriété de leurs auteurs et non de celles et ceux qui les financent.
Nos élus, dans une république, ne sont pas non plus censés porter atteinte publiquement, nommément, à l’un ou l’autre des citoyennes et citoyens qu’ils représentent.
Indépendamment de leurs orientations, de leurs sensibilités, de leurs professions, toutes les citoyennes et tous les citoyens doivent recevoir une égalité de traitement de la part de leurs élus.
Qu’ils ou elles soient artistes, qu’ils ou elles aient une expression publique, peut certes les exposer à la libre critique, mais en aucun cas à une campagne organisée de diffamation et de discrimination.
Cette situation est d’autant moins acceptable lorsque ce sont des élus qui se chargent d’orchestrer le lynchage public, alors que leur rôle est de protéger leurs administrés de ces phénomènes pouvant avoir de graves conséquences morales et physiques.
Nous, artistes, directrices et directeurs de lieux culturels, de compagnies indépendantes, nous sommes effarés d’avoir à rappeler ces principes essentiels à des élus qui s’égarent manifestement dans des considérations qui les éloignent dangereusement de leurs rôles et de leurs fonctions.
Nous sommes profondément choqués par la répétition de ces situations intolérables d’atteintes à la liberté d’expression et de création, sous l’effet de pressions et d’intimidations subies, pour des motifs politiques.
Et nous sommes particulièrement choqués de constater qu’un nouveau cap a été franchi, puisque cette fois cette atteinte est initialement portée par un représentant politique, élu de la République.
Par cette tribune nous marquons notre soutien et notre totale solidarité à Lundy Grandpré ainsi que notre vigilance collective face aux atteintes répétées à la liberté d’expression et de création.